Je suis intervenu lors du débat sur l’avenir de notre modèle agricole proposé par le groupe Les Républicains.

Alors que des mobilisations se poursuivent et à quelques jours du salon de l’agriculture, j’ai pu exprimer la position des écologistes sur le sujet.

Si la colère des agriculteurs ne nous a pas surpris, elle a permis de révéler au grand jour l’ampleur des impasses dans lesquelles le système actuel nous a conduit.

La question du revenu agricole s’est rapidement imposée comme centrale dans le débat. Et pour cause :  En 2022 plus de 11 000 agriculteurs percevaient le RSA, 40 000 la prime d’activité, avec un non-recours évalué à plus 50%.

L’avenir de notre modèle agricole dépend donc de notre capacité à analyser et à agir sur les causes et les impacts de la trop faible rémunération de celles et de ceux qui nous nourrissent. Pour cela, il nous faut regarder en face les disfonctionnements de notre modèle agricole et de notre système alimentaire, notamment, celui qui semble le plus structurant, à savoir les fortes inégalités qui le caractérisent, injustices, inégalités qui  empêchent d’effectuer la transition vers un système équitable et durable.

Ces inégalités sont, tout d’abord, extrêmement présentes dans le partage de la valeur. Les lois Egalim 1, 2, 3 n’y ont rien fait, les profits du secteur de l’industrie agroalimentaire ont augmenté de 132 % en un an, avec un niveau de marge historique de 48 % en 2023. L’amont agricole n’est pas en reste mais rarement évoqué.  La commission d’enquête de l’Assemblée sur le plan Ecophyto a révélé que, concernant le secteur des phytosanitaires “tout laisse à penser qu’il n’est pas exempt de marges indécentes et de profits d’opportunité”.

Les politiques publiques doivent donc contraindre ces acteurs à jouer leur juste part dans la transition, alors qu’elles en sont aujourd’hui largement absentes, la plupart des efforts étant aujourd’hui demandé aux producteurs.

Autre inégalité structurante, celle qui concerne les revenus des agriculteurs entre eux. Thomas Picketty, dans une chronique du journal le Monde, révélait ainsi que « Le monde paysan constitue aujourd’hui le plus inégal des univers professionnels ». Ces fortes inégalités sont, principalement liées à des politiques fiscales et de soutien public, à la fois européennes et nationales, profondément inégalitaires.

Les statistiques du ministère de l’agriculture sont éclairantes : 10 % des agriculteurs sont à moins de 15 000 € alors que les 10 % les mieux rémunérés dépassent les 150 000 € , de même la moyenne des revenus est de 19 000 € pour les éleveurs bovins, 124 000 pour les éleveurs porcins.

Ce système inéquitable ne donne pas les moyens à bon nombre de paysans de se rémunérer. C’est profondément injuste et inacceptable. C’est aussi un frein majeur à la transition agroécologique : comment changer de pratiques, voire de système, quand on ne gagne pas sa vie ?

Le dernier niveau d’inégalité, tout aussi destructeur pour notre système agricole et alimentaire, est celui qui touche le revenu de l’ensemble de nos concitoyens. 16% des Français déclarent ne pas manger à leur faim. La consommation alimentaire des ménages a chuté de 17 % en un an et demi, en particulier celle des plus précaires. Ces inégalités, qui explosent depuis quelques années, amènent une partie toujours plus grande des consommateurs à se tourner vers des produits de faible qualité, pour partie issus d’importation, et qui ne contribuent ni à la rémunération des producteurs, ni à la protection de l’environnement et de la santé.

Les remèdes à ces inégalités structurantes ne sont pas : plus de libre-échange, plus de compétition internationale avec des produits moins disant sur le plan social et environnemental. La réponse ce n’est pas : plus de pesticides, plus de gasoil, moins de protection de notre santé, de notre environnement.

Nous n’avons de cesse de le répéter : pesticides, engrais, industrialisation de l’agriculture, tout cela amène à un effondrement des écosystèmes dont l’avenir de notre agriculture et donc notre avenir dépend. Miser sur ces fuites en avant revient à nier la réalité.

La pause dans le plan Ecophyto, les attaques envers l’ANSES, le mépris de l’agriculture biologique ne viendront en rien répondre aux questions du revenu agricole.

Je rejoins ici les dizaines de scientifiques qui, la semaine dernière, rappelaient dans la presse les impacts délétères des pesticides et appellent à mener des politiques d’envergure, associant l’ensemble des acteurs de la chaîne agricole et alimentaire, pour accompagner les agriculteurs vers les alternatives, qui existent, et sont viables si elles sont soutenues.

Pour garantir l’avenir de notre système, et la rémunération de nos producteurs, il nous faut : plus de régulation des relations commerciales et des marchés, plus de protection face aux importations de produits ne respectant pas nos normes, plus d’équité dans la distribution des aides, plus d’accompagnement des paysans face aux défis environnementaux. Il nous faut construire l’accès de toutes et tous à une alimentation de qualité, comme le proposent les expérimentations, sans cesse plus nombreuses sur les territoires, de sécurité sociale de l’alimentation.