Initialement conçu pour relever le défi démographique de l’agriculture, le texte, qui vient d’être définitivement adopté par le Parlement, a été vidé de ses intentions initiales, et consacre des reculs graves pour la protection de l’environnement et la nécessaire transition agroécologique.

Ce projet de loi aurait dû être le texte fondateur d’une refonte de notre modèle vers la transition agroécologique, face aux défis immenses qu’induisent le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité et la chute dramatique du nombre d’agriculteurs. Pour rappel, plus de 100 000 fermes ont disparu ces dix dernières années.   

Mais cette loi ne répond aucunement aux besoins réels des agriculteurs : ni à la question centrale du revenu et des prix rémunérateurs, ni au défi de l’accès au foncier et de l’accaparement des terres, ni à celui de l’élevage fragilisé. Elle renvoie ces sujets fondamentaux à de futures lois. 

Mon intervention lors de la discussion générale

Plutôt que de s’attaquer à la captation de la valeur par l’agro-industrie et la grande distribution, cette loi dérégule encore davantage et intensifie un modèle à bout de souffle qui ne profite qu’à quelques-uns, laissant la majorité des agriculteurs dans une situation précaire.

Le texte dévoie le concept de « souveraineté alimentaire » qui ne se fait que sous le prisme de la compétitivité.  Une souveraineté biaisée qui, en renforçant une volonté exportatrice, ne respecte pas la souveraineté des autres pays. Une souveraineté en trompe l’œil sous dépendance aux engrais importés (azote, phosphate, potasse) au soja importé, et demain aux technologies importées. 

Le Sénat a introduit dans l’article 1er le principe du « pas d’interdiction sans solution » pour les pesticides, que nous considérons comme une attaque délibérée contre la biodiversité et la santé humaine. Un dispositif qui ne devrait, nous l’espérons, pas tenir devant le Conseil Constitutionnel. 

Il érige également l’agriculture au rang « d’intérêt général majeur », et la souveraineté alimentaire est un « intérêt fondamental de la Nation” : derrière ces formulations juridiques floues se cache une intention politique très claire, contourner certaines législations environnementales afin de favoriser des projets à fort impact environnemental, comme les mégabassines ou les élevages classés ICPE.

En ce sens, l’article 15, organise une restriction du droit au recours pour ces installations, alors que le Conseil d’État lui-même avait recommandé l’abandon de ces dispositions dans son avis sur le projet de loi.

L’article 13 constitue l’une des pires régressions environnementales de ce texte, en ajoutant un critère d’intentionnalité – presque impossible à prouver – pour pénaliser la destruction d’espèces protégées et leurs habitats.

En cas d’atteinte, ce ne sera plus un délit pénal mais une simple contravention de 450 euros. Et cette disposition ne s’applique pas seulement aux activités agricoles, mais à toutes les personnes physiques auteurs de ce type d’atteintes à la biodiversité.

Défense de mon amendement visant à supprimer l’article 13 du projet de loi

Quant à l’enseignement, enjeu central pour assurer le renouvellement, nous estimons que le cap n’est pas le bon, avec la mise en place d’un « bachelor agro » axé sur « les compétences managériales et entrepreneuriales », pour formater des futurs agriculteurs à une vision concurrentielle et productiviste de l’agriculture, et nous parait être un entonnoir vers l’endettement et l’agrandissement.  

Sur l’installation/transmission : Si un cap est enfin donné, avec un objectif de 400 000 exploitations et 500 000 exploitants agricoles d’ici 2035, cette promesse restera vaine si les politiques publiques pour y parvenir sont totalement inadaptée à l’atteinte de ce chiffre.

La création et la reprise d’activités agricoles sont de formidables opportunités pour engager la transition du secteur, mais le texte ne fait l’objet d’aucune mesure concrète pour soutenir les dynamiques d’installations actuelles, d’abord agroécologiques car en cohérence avec les attentes d’une majorité de futurs agriculteurs.  

Pour un vrai pluralisme dans les Chambres d’agriculture

Nous avons déposé de nombreux amendements pour engager la transition, tous ont été rejetés, qu’il s’agisse : 

– de mieux réguler le foncier, mis à la trappe par le couperet arbitraire de l’article 45, 

– qu’il s’agisse de mieux former les agriculteurs de demain notamment sur les enjeux de transition agroécologique  

-d’assurer un vrai soutien à la bio 

– de garantir au secteur une gouvernance pluraliste et plus démocratique.  

– ou encore nos propositions concernant le revenu, ou la relocalisation de l’alimentation… 

Seule bonne nouvelle au compteur : l’intégration de la proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie, adoptée à l’unanimité. 

Au final, cette loi d’orientation agricole n’est pas une réponse aux défis actuels ni aux grands enjeux agricoles du XXIème siècle : elle est un signal alarmant de la montée en puissance des idées d’extrême droite et du tournant anti-écologique pris par le gouvernement et la majorité de droite au parlement.

Mon explication de vote, à l’issue des 6 jours de débat

A ce projet déshumanisé, nous en opposons un autre : protéger et nourrir. Une agriculture qui nourrit les humains et qui protège la terre et le vivant, l’assurance vie des agriculteurs. La prise en compte de l’ensemble des enjeux cités suppose une transition systémique, agroécologique.

➡️ Retrouvez le livret que nous avions édité en préparation des travaux à la LOA, qui présente nos propositions pour engager une vraie transition agroécologique : Pour une agriculture des gens et du vivant