Projet de loi sur la relance du nucléaire : un texte qui acte de graves reculs pour l’avenir énergétique de notre pays

, le 18 janvier 2023.

Le Sénat a examiné ce mardi le projet de loi sur la relance du nucléaire.

Le texte initial présenté par le gouvernement, largement axé sur les procédures administratives, prévoit la mise en place de nouveaux réacteurs électronucléaires grâce à de nombreuses dérogations aux procédures d’urbanismes et environnementales de droit commun ; et le prolongement du parc nucléaire existant, en simplifiant les modalités de réexamen périodique des réacteurs de plus de 35 ans et en permettant que les arrêts prolongés de fonctionnement des installations n’entraînent plus automatiquement leur arrêt définitif.

Nous avons dénoncé ces mesures potentiellement dangereuses pour la sureté et la sécurité, qui privent également les collectivités de tout pouvoir d’opposition aux projets de nouveaux réacteurs dont elles disposaient au titre de leur compétences en matière d’urbanisme. Nous déplorons également le contournement des exigences environnementales avec notamment la dérogation à la loi littorale prévue à l’article 5.

Nous avons été le seul groupe à nous opposer frontalement à cette fuite en avant dans le nucléaire, basée sur un dogmatisme passéiste :

En ce sens, nous avons déposé une motion de rejet préalable du texte afin de dénoncer, en premier lieu, le calendrier particulièrement anti démocratique.

En effet, ce projet de loi nous est présenté avant même la loi quinquennale de programmation énergie climat (où doit être défini notre mix énergétique) et alors que deux concertations publiques sont en cours, l’une sur la construction de nouveaux EPR à Penly, organisé par la Commission nationale du débat public, l’autre sur le futur mix énergétique.

Mon intervention pour défendre notre motion de rejet préalable du projet de loi

Faire fi du débat démocratique met les acteurs concernés ainsi que nos concitoyen.n.es devant le fait accompli, sur des enjeux énergétiques pourtant majeurs.

Nous avons rappelé qu’il n’était pas acceptable de relancer des activités nucléaires polluantes et dangereuses qui nous engagent sur au moins un siècle, et ce de façon irréversible, alors que les menaces de tous ordres et en particulier les bouleversements climatiques vont accroître considérablement les risques encourus par cette filière.

Nous avons souligné l’incohérence de l’objectif affiché par le Gouvernement quant à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, et le temps de développement des nouveaux réacteurs pas prêt avant 20 ans, alors que le dérèglement climatique demande des solutions radicales maintenant !

Si nous avons mis en avant les nombreux problèmes liés au nucléaire, notamment les coûts élevés, les enjeux de sureté, la gestion irrésolue des déchets, les impacts sur la ressource en eau, la pollution liée aux mines d’uranium, rien n’y fait, la droite sénatoriale est restée figée dans sa mystique pro nucléaire.

Outre les nombreux amendements de suppression, nous avons également été force de proposition avec des mesures pour renforcer la sureté, la sécurité, la transparence financière et le contrôle parlementaire, et la gestion des déchets nucléaires.

Seul un amendement de notre collègue Monique de Marco a été adopté, qui fait en sorte que les « installations nucléaires ne s’installent pas sur des sites vulnérables aux inondations et aux submersions marines », et reviendrait donc à ne pas construire pas de nouveau réacteur ni à Penly ni à Gravelines. Peu de chance que ce dispositif soit maintenu par les députés malheureusement.

En dehors des dérogations et des simplifications administratives, qui ont été encore renforcées par la droite sénatoriale, la commission des affaires économiques est également revenu sur l’objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici 2035, passant du principe d’un plafond à celui d’un plancher, et a supprimé le plafond de 63,2 GW de capacité nucléaire installée, prévu dans la loi transition énergétique de 2015.

Ces mesures adoptées par la majorité sénatoriale, changent la nature même du texte en modifiant le code de l’énergie et constituent un changement de cap majeur. Encore plus grave, la Ministre n’est pas revenue en séance publique sur ce recul conséquent et grave pour l’avenir énergétique de notre pays, qui acte le fait de continuer à faire fonctionner des centrales après 60 ans, et nous fait donc prendre des risques encore supplémentaires.

Nous regrettons profondément ce reniement scandaleux de la Ministre qui avait affirmé que cette loi était seulement technique et ne venait pas interférer avec les débats en cours ou à venir. Il souligne aussi une accointance de plus en plus forte entre le Gouvernement et les Républicains sur ces questions majeures.

 

Mon explication de vote avant le vote solennel sur le texte, ce mardi 24 janvier.

Retrouvez également :

👉le communiqué de presse du groupe Ecologiste, Solidarité & Territoires  CP commun – PJL Nucléaire

👉Mon interview dans Reporterre où je reviens sur les enjeux et les nombreuses problématiques de ce projet de loi qui actent de graves reculs quant à notre politique énergétique

 

Mise à jour mai 2023 :

Dans le texte final issu de la commission mixte paritaire, nous déplorons vivement le maintien de la suppression de deux jalons majeurs de la politique énergétique française, introduits en 2015 : l’objectif de réduction du nucléaire à 50 % et l’article qui limitait la puissance installée à 63.2 GW, ce qui constitue de graves reculs quant à la diversification de notre mix électrique et à la maîtrise des coûts de production.

Le gouvernement avait souhaité introduire lors de l’examen à l’Assemblée, et ce sans étude préalable, un nouvel article qui visait à regrouper la fonction d’autorisation et de contrôle des activités nucléaires de l’ASN avec les activités d’expertise et de recherche de l’IRSN. Fort heureusement, grâce à une forte mobilisation et aux nombreuses alertes de parlementaires de tous bords politiques, et des acteurs de la filière elle-même, le texte final a écarté cette fusion ! Il est essentiel de maintenir notre système dual.

Enfin, cette loi ne répond toujours pas suffisamment aux enjeux d’une nécessaire adaptation des centrales face aux impacts du dérèglement climatique des prochaines décennies, notamment sur la question essentielle de l’eau, et sur le risque de submersion marine pour les centrales se situant dans des zones vulnérables aux inondations.

Retrouvez ma dernière intervention sur ce texte, lors du vote sur les conclusions de la commission mite paritaire, au Sénat, le 9 mai dernier :