Proposition de loi “Choc de compétitivité en faveur de la ferme France” : le porte-voix du lobby de l’agrochimie !
Le Sénat a examiné ce mardi 16 mai la proposition de loi « pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France »
Un texte qui s’appuie sur un diagnostic erroné de la « compétitivité » de l’agriculture.
Pour nous, cette compétitivité inclut l’ensemble des dimensions, à la fois économiques, sociales, environnementales et sanitaires. Elle prend en compte les emplois générés, la qualité de l’alimentation, la vie des territoires, la réponse aux attentes des consommateurs.
À cette vision globale et de long terme, la droite y substitue une vision court-termiste uniquement axée sur la rentabilité, et propose une fuite en avant dans un modèle productiviste à bout de souffle, avec une série de régressions sociales et environnementales graves, notamment sur les pesticides et les mégabassines, et fait peser le poids de leurs externalités négatives sur toute la société.
Dans les dispositions les plus problématiques, nous pouvons citer l’expérimentation de l’épandages aériens de pesticides par drone, la mise en balance de la santé humaine avec d’éventuels bénéfices économiques dans le choix d’autoriser ou non le recours à tel ou tel pesticide, ou encore l’affaiblissement des critères de qualité des produits dans la restauration collective.
Mais aussi la possibilité pour le Ministre de l’agriculture de passer outre les décisions de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), la sanctuarisation des projets de mégabassines au nom d’un prétendu « intérêt général majeur », et la lutte contre de supposées « surtranspositions » de la réglementation européenne qui porteraient préjudice à la compétitivité de la « ferme France ».
Des prises de position si outrancières que le seul fait qu’elles soient discutées, permet en fait, comme le souhaite la droite sénatoriale, de décentrer les enjeux et de déplacer le centre de gravité du débat, rendant ainsi presque désirable le statu quo, au dépend de l’incontournable transition agroécologique.
Alors qu’une cinquantaine de scientifiques européens publiaient récemment l’étude la plus vaste disponible à ce jour sur les causes de l’écroulement des oiseaux d’Europe qui démontre que les usages d’intrants de synthèse (pesticides et fertilisants) sont la cause majeure de ce phénomène, l’adoption de cette proposition de loi par la majorité sénatoriale est profondément choquante.
Sur la forme, nous avons également alerté sur un énième contournement démocratique, alors qu’une concertation est en cours sur ces mêmes questions pour construire un projet de loi d’Orientation et d’avenir agricole.
Pour toutes ces raisons, nous avons demandé de rejeter en bloc cette loi, via une motion de rejet, qui a sans surprise été rejetée :
Mon intervention lors de la question préalable
Avec mon collègue Joël Labbé, nous avons déposé de nombreux amendements de suppression sur la plupart des articles de ce texte, et d’autres amendements visant à redéfinir la notion de « compétitivité », à mettre en place un moratoire sur les bassines, à réorienter les fonds de soutien vers la transition agroécologique, et plus largement à mieux accompagner la transition vers un modèle agricole réellement vertueux.
Si cette proposition de loi a malheureusement été adoptée, elle ne représente qu’un ballon d’essai du lobby de l’agrochimie et a peu de chances, fort heureusement, d’aller plus loin dans le cadre de la navette parlementaire.
Nous comptons maintenant sur la future loi d’orientation agricole, prévue à l’automne, pour défendre notre vision de l’agriculture résiliente et souveraine, et ainsi amorcer un changement salvateur pour tous les agriculteurs-ices.