La rentrée parlementaire a été l’occasion pour moi d’effectuer un déplacement au Maroc du 1er au 5 septembre.

Cette mission avait pour objectif de rencontrer les autorités marocaines dans un contexte de sortie de crise et également de rencontrer différents acteurs économiques français implantés au Maroc.

Au cours de cette semaine j’ai pu tout d’abord appréhender davantage les ravages du réchauffement climatique sur ce pays. Le Maroc a vécu sept années consécutives de sécheresse avec des précipitations inférieures à  300 mm par an alors que les températures peuvent frôler les 50°C. Le monde rural reposant sur l’agriculture est particulièrement affecté par la raréfaction de l’eau et l’exode rural est de plus en plus massif. Cette population arrivant en ville vient grossir les rangs des chômeurs avec un taux qui atteint 13% de la population actif.

Dans ce contexte, le Gouvernement marocain fait feu de tout bois : investissements étrangers dans l’industrie, gros chantiers d’infrastructures en lien en particulier avec la CAN et la Coupe du monde de football, usines de dessalement, développement d’une agriculture dirigée vers l’exportation…

Nous avons rencontré plusieurs ministres : industrie et commerce, économie et finances, investissement et évaluation des politiques publiques. 

Le Gouvernement a pour objectif de créer des emplois pour les 650 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. Le Maroc a effectué sa transition démographique avec un taux de fécondité qui est aujourd’hui de 2,2 mais durant la décennie à venir la situation restera tendue.

Les différents ministres nous ont assuré de leur volonté de préserver des équilibres territoriaux dans le pays car la tendance depuis plusieurs décennies est un développement important sur le littoral de Tanger à Casablanca, et une désertification en terme de population de l’intérieur des terres.  Pour cela, on constate une recherche tous azimuts d’investisseurs étrangers en particulier avec la France et l’UE, mais sans état d’âme avec la Chine si elle se montre plus offrante.

Nous avons visité dans les jours qui ont suivi plusieurs entreprises / structures implantées au Maroc, dans divers domaines :

Nous avons rencontré le MASEN (Moroccan Agency for Sustainable Energy) qui est chargé de piloter les EnR au Maroc. Le potentiel est énorme tant dans le solaire que dans l’éolien. L’objectif est de produire 52 % de l’énergie par les EnR d’ici 2030. Il s’appuie sur la volonté du Gouvernement de construire des filières intégrées pour que l’économie marocaine capte un maximum d’argent sur la chaîne de valeur. Une grande partie du développement des EnR se fait dans la région Sud. Il y a une volonté de développer la production d’hydrogène à destination de l’Europe, mais de nombreuses incertitudes obscurcissent cette filière, les autorités attendent un cap clair donné par l’UE, sachant que l’hydrogène vert coûte beaucoup plus cher que l’hydrogène gris.

Nous avons ensuite visité le port de Tanger, symbole de la capacité du Maroc de s’inscrire dans le grand jeu du commerce international. Un jeu à double tranchant puisqu’il permet la création d’emplois, mais participe également aux émissions de GES et à la désertification d’une partie du pays. Un port qui, en deux décennies, est entré dans la cour des 20 plus grands ports mondiaux avec une zone logistique impressionnante adossée à une zone d’activités. Des liens forts sont établie avec CMA-CGM.

L’entreprise Renault que nous avons visité également est présente au Maroc depuis 1928. Mais aujourd’hui nous constatons un changement d’échelle avec l’implantation de la plus grande usine d’Afrique qui emploie 10 000 personnes et produit une voiture à la minute. Une usine qui n’a rien à envier à celles présentes sur le sol européen.  Une usine qui aujourd’hui vit avec les moteurs thermiques. J’ai particulièrement insisté sur la nécessité d’opérer sans tarder la transition vers le petit véhicule électrique à destination en particulier de l’UE. C’est un enjeu stratégique pour l’Europe face à  la Chine.

Safran est également bien implanté au Maroc, avec une usine higt-tech et emploie près de 5000 personnes. La production principale est celle de nacelles pour équiper divers avions dont les Airbus mais aussi des jets privés. Nous constatons là  aussi une terrible contradiction entre la lutte contre le changement climatique et la production industrielle, qui contribue à l’aggraver.

EGIS, propriété en partie de la caisse des dépôts et consignations, déploie son savoir-faire dans l’ingénierie. Elle contribue à la réalisation d’autoroutes mais aussi d’adduction d’eau, de maitrise d’œuvre pour les tramways de Casablanca et Rabat et de la LGV Tanger – Kénitra.

Orange est également très présent au Maroc, qui est sa tête de pont pour un développement très important en Afrique. Le groupe est présent dans 18 pays africains, c’est le seul continent où Orange gagne des parts de marché.

Pour finir, nous avons visité l’usine franco-marocaine DELIKEMAR, fabricant de fruits surgelés à destination de l’industrie agro-alimentaire, et de la distribution française et internationale. L’usine travaille de nombreux fruits issus des cultures dédiées à l’exportation. Elle fait travailler 300 personnes. Là aussi, l’objectif de créer de la valeur ajoutée au Maroc est bien compréhensible, mais nous devons nous interroger sur  la concurrence faite avec des productions françaises, et sur l’utilisation de l’eau extrêmement rare pour des cultures d’exportations.

La question est bien de savoir à quelle fin utiliser chaque goutte d’eau, sachant que celle issue des unités de dessalement est beaucoup plus chère que celle issue de la pluie.

Le Maroc consomme 20 millions de tonnes de blé, en année normale il en produit 10 mais l’année dernière du fait de la sécheresse la production n’a été que de 3 millions de tonnes. On comprend donc la nécessité d’équilibrer la balance commerciale. La question est : quelles cultures pluviales sont encore possibles au Maroc ? Comment limiter les importations et développer au maximum des cultures vivrières pour le marché intérieur ?

Cette mission a donc été fructueuse dans le sens où nous avons amélioré notre connaissance des enjeux tant marocains que français. Nous avons constaté que les voyants sont au vert pour relancer le partenariat avec l’UE et en particulier la France. Les liens historiques sont forts, doivent s’exercer dans le cadre d’un vrai partenariat. La voie est ténue, car nous pouvons favoriser une concurrence déloyale, des délocalisations.

Par contre, nous devons comprendre la nécessité pour les autorités marocaines de trouver les moyens de créer de l’emploi en s’appuyant sur les atouts du pays : potentiel EnR, position géo-stratégique, coût de la main d’œuvre, savoir-faire…

Si le Maroc ne crée pas d’emplois à la hauteur des besoins, le risque est celui d’une émigration massive et de déstabilisation au Maroc comme dans l’UE. Comme souvent, nous sommes sur une ligne de crête.

Une certitude : le Maroc a les moyens de décarboner son économie avec les énergies renouvelables.

Des inquiétudes : le développement du Maroc ne doit pas se faire sur la base de productions contraires à la lutte contre le réchauffement climatique, ni se construire en bradant l’environnement (pesticides, pompage des nappes phréatiques) et dans le cadre d’une concurrence déloyale.