Une commission d’enquête sur l’électricité qui n’acte pas une bifurcation pourtant indispensable

, le 11 juillet 2024.

Après 6 mois de travaux, la commission d’enquête du Sénat portant sur la production, la consommation, et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 dont je faisais partie pour le groupe Ecologiste, a rendu son rapport début juillet. Si nous reconnaissons le travail de fond qui a été mené tout au long de cette enquête, je regrette le peu de temps consacré à l’étude des différentes trajectoires de consommation qui sont également des choix de société. En revanche, ce rapport fait la part belle à la relance du nucléaire, réduisant à la portion congrue les alternatives crédibles.

Les changements de comportements liés aux évolutions sociétales ont des conséquences sur la consommation d’énergie. Consommation et production sont intimement liées, limiter notre consommation, l’adapter, grâce à la flexibilité, aux capacités de production est impératif.

Nous sommes confrontés à des choix de société qu’il eut été pertinent d’explorer davantage pour éclairer nos politiques énergétiques. Le choix de la continuité avec la poursuite de la trajectoire actuelle ou le choix de la bifurcation avec une consommation en adéquation avec les contraintes terrestres. Nos propositions s’appuient essentiellement sur les scénarios « Génération frugale » et « coopérations territoriales » de l’ADEME ainsi que les scénarios M0 et M1 de RTE qui s’articulent autour de 6 axes principaux : la sobriété, l’efficacité énergétique, la transition vers les énergies renouvelables, les changements comportementaux, la réduction de la consommation de ressources et les mobilités.

Miser sur les énergies renouvelables est incontournable pour respecter les objectifs de  réduction des gaz à effet de serre. Le scénario RTE 100 % renouvelables en 2050 impose de limiter notre consommation aux alentours de 550 TWh et est totalement crédible comme l’a répété à plusieurs reprises Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE. Il réside dans un mix énergétique dans lequel solaire (200 GW), hydroélectricité (25 GW) et éolien (130 GW) assurent la majeure partie de la production électrique. La difficulté réside dans notre capacité à stocker, à effacer, à assurer une flexibilité de la consommation.

Cette commission d’enquête s’inscrit dans un contexte d’urgence à décarboner notre société mais je regrette que l’essentiel des auditions se soit focalisé sur la relance du nucléaire (10 des 26 recommandations du rapport portent sur l’énergie nucléaire). Le retour en grâce de cette énergie est paradoxal car aucun des graves inconvénients inhérents à cette industrie n’a été réglé. Les augmentations de ses coûts, sa faisabilité technique, son incapacité à gérer ses déchets à l’amont comme à l’aval, sa faible capacité de résilience (en particulier dans une économie dégradée), la consommation extrêmement importante d’eau et évidemment les dangers inhérents et les questions de sûreté liées à cette technologie ne sont pas traités.

Ce rapport ne permet pas d’apporter une vision d’ensemble des nombreux enjeux liés à l’électricité, en particulier ses interactions avec les modes de consommation, et je déplore fortement le parti pris en faveur de l’énergie nucléaire. C’est pourquoi, j’ai voté contre au nom du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

J’ai rédigé en ce sens une motion, jointe au rapport qui explique dans le détail notre positionnement et notre vision, à lire à la page 801 ici

Retrouvez l’ensemble du rapport ici